SansCrierArt : Aperçu critique de l'actualité culturelle. Comptes-rendus d'expositions, de pièces de théâtre, de films et de tous autres évènements culturels.

22 avril 2024 1 22 /04 /avril /2024 12:19

"Nous déclarons les esclaves être meubles." Cette citation du Code Noir de Colbert sous Louis XIV ouvre le spectacle. Puis entre en scène le Monsieur Royal du spectacle dans le rôle du maître de cérémonie et exemplaire du blanc raciste, parfaitement détestable.

Sur scène 9 chanteurs, 6 musiciens, 7 danseurs qui peignent en 36 tableaux, du Cotton club à.Barack Obama, l'histoire de la musique afro-américaine et les dates clés de la lutte contre le racisme anti-noir. 

A voir en replay sur France.tv

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20 avril 2024 6 20 /04 /avril /2024 10:15

A plusieurs dizaines d´années d´écart et après de nombreux périples, Ulysse se trouve confronté à trois femmes qui le mettent face aux conséquences de ses actes. Hecube, reine des Troyens dont il a fait son esclave et qui a perdu ses fils à la guerre, a le visage des victimes de son extrême violence. Calypso, qui l´a sauvé du naufrage et aimé, mais qu´il doit abandonner l´interroge sur les choix d´une vie, d´une humanité. Pénélope, l´épouse légitime qui a passé sa vie à l´attendre, l'accueille muette et bouscule la conscience du guerrier qui vient à elle comme dans un dernier soupir.

Le demi-Dieu, Ulysse, représentant de la masculinité dans sa soif de pouvoir, de domination, son besoin d´en découdre, ses suffisances et ses faiblesses, se trouve ainsi face à ses femmes, en simple et féroce mortel.

Écrite par Claudine Galea, inspirée de l'Illiade et de l'Odyssée d'Homère, cette création de la Comédie Française est mise en scène ingénieusement par Laetitia Guedon. Les comédiens du français Sephora Pondi, Clotilde de Bayser, Marie Oppert, Eric Genovese, Sefa Yeboah et Baptiste Chabauty sont accompagnés par le cœur Unikanti. Ces chanteurs magnifiques, intervenant pour souligner la tension, agissent également et paradoxalement comme une respiration aux côtés d´un texte qui joue sur les répétitions, nécessitant d´être scandé ou déclamé avec emphase par ses interprètes. Ce texte mêlant histoire antique et moderne offre de belles tirades percutantes, des propos obscures et quelques naïvetés. Sans convaincre totalement Trois fois Ulysse offre un moment de théâtre audacieux qui ne laisse pas indifférent.

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18 avril 2024 4 18 /04 /avril /2024 20:42

Elle rentre du lycée. Dans son hall d'immeuble, sans les voir, elle sait qu'ils sont là. A l'étage, sur son palier, ils l'attendent. Parce que Daniella, elle, n'est plus.

Nicole Garcia impressionne, seule en scène, dans le rôle de cette professeur de français, plus toute jeune, mais apprêtée car il faut avoir de la tenue. A Royan, sans passé ni rien pour la juger, Gabrielle chavire doucement. Est-ce à cause de sa vie d'avant, est-ce à cause de ses élèves qui l'a chahutent, est-ce à cause de Daniella ? Ou est-ce que Daniella n'est plus à cause de Gabrielle, à cause des élèves qui l'ont chahutée, à cause de sa soif de liberté ? Marie Ndiaye présente ici un double portrait celui d'une femme meurtrie et enseignante fragilisée et celui d'une adolescente frondeuse et harcelée.

La voix grave de Nicole Garcia, son interprétation jouant des hésitations de son personnage et de sa folle intransigeance, associées à l'écriture fine et précise qui dessine telle une araignée tissant sa toile, des portraits complexes, nous happent instantanément.

La mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia simple mais signifiante, soignant particulièrement le son, permet à Nicole Garcia d'habiter avec naturel l'ensemble de la grande scène du Théâtre de Paris. La puissance animale de la comédienne emporte tout.

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8 mars 2024 5 08 /03 /mars /2024 19:10

Seule en scène, avec pour unique décor un banc et un punching ball, Julie Duval, dans un jeu très physique et d'une grande précision, interprète toutes les personnes, bonnes ou mauvaises, qui ont traversé la vie de jeune femme de Jeanne.

De ses parents au chien familial, de ses professeurs à ses mauvais camarades de classe, de son entraîneur de boxe Thaï à son prof de théâtre, de sa copine Dounia à un maître en yoga, ils sont tous là incarnés par elle, autour d´elle. 

Julie Duval mêle le rire et l´émotion pour raconter la difficulté d´être à la vie de cette jeune fille dont on devine que la hargne mise pour se reconstruire et le chemin parcouru l´ont menée sur cette scène de théâtre, là où elle s´épanouie enfin.

A ne pas manquer à la Scala jusqu´au 20 juin.

 

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 00:15

Waly Dia, dont les chroniques particulièrement percutantes et très engagées politiquement font la joie des auditeurs de France Inter, présente son quatrième spectacle dans l´accueillant théâtre de l´Oeuvre.

Sans réelle surprise sur ses cibles, l´humoriste dèzingue les macronistes, les policiers, les milliardaires, les masculinistes, les croyants, le racisme décomplexé, les rastas blonds... parle aussi écologie et féminisme, tentant de mêler ou d´alterner démonstration politique et humour,  sans toujours parvenir à éviter l´enfoncage de portes ouvertes.

Pourtant, le charme opère. Et on admire la performance de l´artiste qui durant 1h45 (c'est long pour un one man show), seul en scène, enchaîne les sujets, dans un abattage impressionnant, ne cédant la parole au public que sur une participation très contrôlée. L'allocution est précise, le débit maîtrisé. Mais, c´est sur les imitations à la gestuelle particulièrement efficace qu´il est frontalement drôle, notamment quand pour un grand final lui vient l'envie d´associer tous les opprimés du système dans une manifestation monstre.

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16 février 2024 5 16 /02 /février /2024 20:07

Quand la femme de Gaël Leiblang accouche de leur troisième enfant, Roman, le bébé né prématuré avec de nombreuses malformations.

Dans cette version vidéo de son spectacle, le comédien, filmé dans une salle de sport, offre une interprétation très physique. Gaël Leiblang raconte le combat du petit garçon et l'épreuve de ses parents comme un match de sport, un marathon, une escalade, un combat de boxe.

Dans une mise en scène aux jeux de lumières et à l'accompagnement musical mimant l'urgence, ménageant de beaux silences, l'émotion s'installe dans l'attente, la préparation des petites sœurs, le soutien des proches, le rêve d'un petit garçon qui grandit, la prise de décisions définitives.

A voir sur France.tv

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9 février 2024 5 09 /02 /février /2024 22:35

Isabelle qui rêve de danser accepte le pacte du Directeur de l'opéra et des souliers rouges : devenir danseuse étoile mais renoncer à l'amour.

Marc Lavoine, aux textes, et Fabrice Aboulker, à la musique, se sont associés pour adapter librement en comédie musicale le film de Ernest  Pressburger et Michael Powell. Ils ont pris le pari difficile de conter cette histoire uniquement en chansons sans place aucune pour des dialogues. Exercice ardu pas tout à fait réussi, les textes tout à leur fonction de conteur s'avèrent manquer de charme tout en n'offrant qu'un récit assez obscure des tenants et aboutissants de l'intrigue.

La scénographie présente une scène nue entourée de drapés sur lesquels sont projetées des vidéos, à l'esthétique discutable, sans ligne artistique claire. Les huit danseurs dont les costumes nous renvoient aux comédies musicales du début du siècle, déploient leur talent dans des chorégraphies brouillonnes, peu signifiantes, mêlant difficilement danse contemporaine et classique. La danse est d'ailleurs curieusement peu présente.

Les trois rôles sont tenus par Guilhem Valleye dont la voix semble manquer de puissance pour le rôle du maître de L'opéra, l'ogre de l'histoire, Benjamin Siksou au charme toujours opérant et  Céleste Hauser, la jolie voix du spectacle, qui bénéficie de la belle idée consistant à mettre en avant son souffle et ses essoufflements.

Les compositions de Fabrice Aboulker offrent des mélodies agréables, aux rythmes et aux tonalités variées, soutenues par des orchestrations soignées. 

Au final, malgré ses nombreuses faiblesses, la comédie musicale se regarde et s'écoute sans réel ennui.

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3 février 2024 6 03 /02 /février /2024 23:44

Alors que Paul est en rendez-vous avec son ami Pierre, So, qu'ils ne connaissent pas, les interrompt : Paul a rendez-vous avec So et avec Matt. Un grand destin l'attend...

Difficile de pitcher cette pièce tant elle est riche sur le fond et la forme, à la fois intrigante, drôle et d'une grande causticité sur la vie en société et la vacuité dans la réflexion des dirigeants, quelque soit ce qu'ils dirigent.

Bavarde, jouant avec le sens des mots et des expressions à tiroirs, les non-sens et l'absurde des situations et des attitudes, les malentendus et les divergences de perceptions, les discours qui tournent en rond, la pièce est particulièrement exigeante avec ses comédiens. Perfection dans la restitution du texte, précision dans les tonalités, Louis Albertosi, Pauline Belle, Rodolphe Congé, Pierre-Felix Gravière, Dominique Valadié et Claire Wauthion y sont excellents.

La mise en scène d'Alain Francon, suffisamment simple pour ne pas ajouter de la complexité au propos, est particulièrement efficace. En fond de scène, un écran semblant être le ciel. Sous un éclairage puissant et vertical, les comédiens assis sur quatre bancs disposés en cirque, de dos quand ils n'interviennent pas, entrent dans le jeu comme ils entreraient en piste. 

Une réussite à tous points de vue à ne pas manquer jusqu'au 11 février à La Scala.

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28 janvier 2024 7 28 /01 /janvier /2024 17:05

La régie publicitaire de la RATP a encore censuré une affiche promouvant un évènement artistique. Après, entre autres, la publicité du spectacle de Stéphane Guillon, interdite sur le réseau en 2012, la pipe de Tati remplacée par un moulin à vent sur l'affiche annonçant l'exposition à la Cinémathèque en 2009, la cigarette supprimée de l'affiche du film Coco Chanel ou de  Gainsbourg, vie héroïque en 2010,...., Médiatransports refuse l'affiche (ci-contre) du nouveau spectacle de Wally Dia, le très politique stand-upeur.

Sur son cou tatoué, on peut notamment lire " Macron est comme un père alcoolique, à la maison il te pourrit la vie, dehors il te fout la honte", sur sa pommette "Je suis comme l'IGPN, je ne suis pas là pour faire le procès des policiers". Des propos qui présentent, selon la régie publicitaire  "un caractère politique incompatible avec le devoir de neutralité qui s’impose dans les transports publics et pourrait être considérée comme diffamatoire ou injurieuse".

JCDecaux Affichage avait également demandé à Patrick Timsit de modifier le visuel de son spectacle On ne peut pas rire de tout en 2015.

Le Théâtre de l'œuvre accueillera, du 1er février au 27 avril 2024, Waly Dia dans Une heure à tuer.

 

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4 janvier 2024 4 04 /01 /janvier /2024 21:47

Valérie Lesort et Christian Hecq mettent en scène et adaptent le premier des 4 voyages de Gulliver (de Jonathan Swift). Gulliver, seul survivant d´un naufrage, s´échoue sur l´île de Lilliput dont les habitants sont des êtres minuscules. 

Sur scène, Mathieu Perotto interprète le "géant" Gulliver. Les lilliputiens sont incarnés par 7 comédiens (dont Valérie Lesort) qui ont posé leur tête sur des corps de marionnettes de 50cm de haut. L´effet est magique. Leurs visages grimés et grimaçants sur des corps à la gestuelle très expressive sont hilarants.

Valérie Lesort a adapté le texte originel en ajoutant trois chansons, aux textes et aux chorégraphies également très drôles. Tout en conservant les messages de tolérance et d´acceptation des différences, la critique des dictatures et des guerres de pouvoir, ce Voyage de Gulliver nous emporte dans un univers poétique, inventif et délirant.

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17 décembre 2023 7 17 /12 /décembre /2023 20:54

Après 1 mois de représentations à Bobino au début de l'été, Stomp revient à Paris.

La Cigale et sa configuration, qui offre une belle visibilité et une proximité avec les artistes, est un écrin de choix pour ce spectacle où les musiciens, danseurs, acrobates sont aussi des comédiens. Du boss qui domine et maîtrise tout au candide qui aimerait être inclus dans la troupe, les 8 artistes jouent tous un personnage s'exprimant sans un mot, par le geste et les expressions du visage. Et c'est cette part de jeu, où l'humour prime, qui fait de cette démonstration de maîtrise du tempo un spectacle complet. 

La mise en scène et en lumière soignées, la diversité des récits, la variété de tons (poétique, drôle, spectaculaire), la multitude d'accessoires utilisés (balais, éviers, bidons, briquets, poubelles...), les différentes intensité (murmures, frôlement, gros sons...) cassent tout risque de monotonie.

Le spectacle enchaîne les tableaux en 1h30 totalement enthousiasmante.

A voir jusqu'au 14 janvier 2024.

Lire les précédents postes sur Stomp : Au Vaudeville theater en 2006A Bobino en 2023

 

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10 décembre 2023 7 10 /12 /décembre /2023 20:36

Johanna Boyer adapte et met en scène le conte d'Andersen. Gerda et Kay sont liés par une amitié indéfectible jusqu'au jour où des trolls, pour se venger des hommes qui massacrent leur forêt, lancent un sort à Kay. Le jeune garçon devient froid, obsédé par les énigmes et les mathématiques et disparaît. Gerda part à sa recherche.

On est loin du dessin animé de Disney mais bien plus proche du conte d'origine même si Johanna Boyé et Elisabeth Ventura se sont aussi inspirées du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, de Sorcières de Mona Chollet ou Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estes. On s'étonne du titre donné au conte, car la vraie héroïne dans cette histoire parsemée de femmes fortes, est Gerda qui au nom de l'amitié prend tous les risques et ose.

La mise en scène de Johanna Boyé et la scénographie de Caroline Mexme offrent de superbes tableaux parfois fait de rien, d'autres fois visuellement impressionnant, où souvent les astuces de la magie font tout leur effet. La nature à travers la neige, la glace, la forêt, les aurores boréales  s'exprime en grand. Le son tient aussi un rôle important, crissement de la glace, bruit du vent, chants. Les costumes sont également très beaux, très bien vus notamment ceux des animaux qui apparaissent dans toute leur évidence avec peu d'éléments.

Les six comédiens - Danièle Lebrun, Suliane Brahim, Claina Clavaron, Léa Lopez, Sefa Yeboah, Dominique Parent - sont tous excellents, chacun interprétant avec facétie plusieurs rôles.

Les situations et les dialogues sont souvent très drôles et font rire les petits comme les grands.

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8 décembre 2023 5 08 /12 /décembre /2023 17:20

Créé à Broadway en 1957, sur un livret d'Arthur Laurents, des paroles de Stephen Sondheim, mis en musique par Léonard Bernstein et chorégraphié par Jérôme Robbins, West Side Story revient en France dans une nouvelle mise en scène de Lonnie Price.

Dès l'ouverture, la puissance de la chorégraphie originelle saisie. Sur la musique très expressive, la tension est plantée. Les danseurs en nombre impressionnent. Un décor central tournant, nous mène chez Maria, à la boutique d'Anita, chez Doc. Autour la rue, lieu des affrontements. 

Les danseurs, chanteurs et interprètes en imposent dans la maîtrise de ces trois disciplines simultanées. Jadon Webster séduit particulièrement dans le rôle de Tony. La maîtrise faite de puissance et de délicatesse de ses interprétations de Something's coming, Maria et dans ses duos, One hand, One Heart, Tonight, Somewhere, avec Mélanie Sierra, elle aussi impressionnante dans le rôle de Maria, marquent particulièrement.

La qualité de l'orchestre et la précision de métronome entre ce dernier et le jeu des comédiens-chanteurs en scène est remarquable.

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3 novembre 2023 5 03 /11 /novembre /2023 17:00

Vers 1900, à Soho, mendiants, truands, prostituées et policiers jouent au chat et à la souris, s'exploitent et se trahissent.

Thomas Ostermeier revient à la Comédie- Française avec cette mise en scène du célèbre  (que l'on pourra aussi juger surestimé) opéra-cabaret écrit et composé par Berthold Brecht, Emmanuelle Hauptmann et Kurt Weill. L'oeuvre bénéficie d'une nouvelle traduction d'Alexandre Plateau, que les connaisseurs saluent pour son efficacité et d'une orchestration revisitée par Maxime Pascal.

Sur scène, une partie du nec plus ultra de la troupe de la Comédie Française, Christian Hecq, Véronique Vella, Stéphane Varupenne, Elsa Lepoivre (dans un petit rôle), accompagnés par la relève Birane Ba, Marie Oppert et Claina Clavaron. Dans la fosse, Maxime Pascal et une dizaine de musiciens de l'orchestre Le Balcon.

La scène quasi nue, grande ouverte, accueille une passerelle-escaliers et 3 écrans, rectangle, carré et triangle, sur lesquels sont projetées des images anciennes où les gris, noirs et rouges dominent rappelant sans doute l'époque de création de la pièce (1928).

Si l'histoire dont aucun des personnages n'est sauvable, demeure peu passionnante, les dialogues souvent piquants et drôles sont particulièrement bien servis par la qualité des interprétes qui s'en donnent à coeur joie, avec en tête le trio Christian Hecq, Véronique Vella et Stéphane Varupenne survoltés. A cela s'ajoute les qualités vocales de Claina Caron et Marie Oppert. Et si on note quelques longueurs, dont une scène de mariage avec entartrages interminable, l'ennui ne se fait pas sentir pendant les 2h30 de représentation. L'imparable charme de la troupe de la Comédie Française opère cette fois encore.

A voir sur Arte.tv la captation d'une des premières représentations au Festival d'Aix en Provence avec Benjamin Lavernhe dans le rôle du chef de la police.

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1 novembre 2023 3 01 /11 /novembre /2023 14:20

Fabrice Luchini consacre ce nouveau spectacle à Victor Hugo, grand homme s'il en est, immense écrivain, poète, homme politique et militant du XIXe siècle. 

Le spectacle se concentre sur ses 20 années d'exil à Bruxelles, Jersey et Guernesey et sur le drame de sa vie qu'est la mort de sa fille Léopoldine.

L'acteur lit des textes et poèmes de ces deux périodes, racontant précisément grâce aux écrits de Juliette Drouet la découverte par Hugo de la mort de Léopoldine, apportant un peu de légèreté par la lecture d'un extrait du livre des tables qui  décrit une des séances de spiritisme réalisée par Hugo, appuyant son admiration pour l'écrivain par l'éloge écrit par Charles Baudelaire et clôturant son spectacle par le texte qui semble à lui seul avoir justifié cette création, Booz endormi, considéré comme écrit par un Hugo touché par la grâce par Charles Péguy, l'auteur fétiche de Fabrice Luchini.

Tout cela en 1h20 pendant laquelle le comédien n'a de cesse de se réfréner tant les tentations d'ouvrir d'autres chapitres ou d'apporter plus de précisions sont nombreuses. Fabrice Luchini promet à plusieurs reprises d'en parler dans un autre spectacle. Rendez-vous est pris.

 

PS : ce soir du 1er novembre, le public (200 personnes) accueillit le comédien entrant en scène par un "Joyeux anniversaire" repris en choeur. L'acteur, pourtant facétieux, se trouva bien embarrassé car devant enchaîner par le récit de la mort de Léopoldine. Légèrement déconcentré, il refit son entrée, constata, sans doute soulagé, la grande qualité d'écoute du public et lui promit de conserver cet événement incongru comme anecdote pour un prochain spectacle.

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12 octobre 2023 4 12 /10 /octobre /2023 22:59

 

Sophia Aram revient avec un spectacle qui reprend une partie des indignations qu'ont portées ses chroniques hebdomadaires sur France Inter ses 4 dernières années. Depuis son dernier spectacle en 2019, les Gilets jaunes, Hanouna, les antivax, le complotisme, LFI, Zemmour, le wokisme... se sont surdéployés et ont fait naître des revendications que l'ont pourra juger au mieux ridicules au pire effrayantes. L'artiste analyse aussi ce qui l'éloigne désormais d'une partie des politiques qui se revendiquent de gauche, lançant entre autres "Le moment de mon basculement a peut être été lorsque j'ai entendu qu'on pouvait être de gauche et s'abstenir de voter au second tour contre Le Pen"

Sophia Aram et son co-auteur Benoit Cambillard ont composé leur spectacle en une succession de trois types de séquence. Le premier prend la forme d'un billet d'humeur sur un des travers de notre époque, s'en suit l'incarnation de ce travers par un personnage fantasque dont Lauren wokiste à la voix stridente qui envoie au public  des "coeurs sur vous et vagin avec les mains". Dans un troisième format, "à la Bedos", smartphone dans les mains, l'artiste lit un fil actu édifiant qu'elle ponctue de punchline. Elle évoque également les menaces et réactions violentes qu'elle subit suite à ses chroniques. Et sa fidèle tante Fatiha rappelle le temps où, dans les quartiers, la mixité se vivait en harmonie, dans l'acceptation des différences.

Bien que dans la veine de Le fond de l'air effraie, son spectacle de 2015, Le Monde d'après. donne plus de place à l'humour. Ainsi tout en affirmant son style très politique, au premier degré assumé, le spectacle trouve un équilibre plus harmonieux avec le rire. 

Lire les posts sur les autres spectacles de Sophia Aram :

2008 -  Du plomb dans la tête

2012 - Crise de Foi

2015 - Le fond de l'air effraie

2019 - A nos amours

 

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6 octobre 2023 5 06 /10 /octobre /2023 18:02

Jacob Hunter et Philippe se rencontrent alors qu'ils résident dans une "maison de repos". Jacob se prend pour Céline Dion tandis que Philippe, homme blanc, se dit noir. Les parents de Jacob tentent de comprendre à la fois leur fils et le docteur farfelu qui s'en occupe

Le postulat de départ semblait promettre une réflexion sur l'identité, la difficulté d'être soi, la force du rêve d'être un ou une autre ou mieux la célébration de ceux qui osent vivre au grand jour leur fantasme.

Devant la pièce, si les interrogations pleuvent c'est sur la signification et l'intérêt du propos. Jacob et Philippe s'avèrent être presque des seconds rôles. Les premiers étant tenus par les parents de Jacob qui malgré l'amour qu'ils portent à leur fils et toute leur bonne volonté restent exclus de son monde. Du statut d'homme noir de Philippe on ne saura pas grand chose. Ici aucun des personnages ne semble avoir grâce aux yeux de Yasmina Reza. Les propos qu'elle leur offre sont creux. Sans esprit, ni puissance, ni poésie, ni drôlerie. Les séquences assez vaines se succèdent sans jamais aboutir à quoi que ce soit. Rien ne se tricote.

Dans un décor quasi nu, habillé par des vidéos en fond, les comédiens semblent perdus sur la grande scène du théâtre de la Colline, se parlant à 5 mètres de distance. On n'ose imaginer qu'il s'agit d'un effet pour signifier la solitude des personnages... Le couple André Marcon et Josiane Stoleru sonne faux et Christèle Tual en fait des tonnes dans le rôle de la psy folle dingue. Ils semblent mal accordés. Seuls Alexandre Steiger et l'excellent Micha Lescot tirent leur épingle du jeu et ,ce, malgré une partition bien maigre. Le musicien Joachim Latarjet habille avec élégance les inter-scènes.

A l'issue de la représentation, les applaudissements peu nourris des 650 spectateurs semblent exprimer une déception commune.

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29 septembre 2023 5 29 /09 /septembre /2023 17:35

"Guerre" est l´un des manuscrits de Louis Ferdinand Céline retrouvés en 2021 et publié en 2022, soit plus de 60 ans après la mort de son auteur. Entre récit autobiographique et roman, Céline y dénonce l´ignominie et l´absurdité de la guerre, y conte les corps déchiquetés, les déserteurs qu´on fusille, l´Homme dans l´horreur et la douleur, départie de sa capacité à penser, obsédé par la chair, réduit à sa bestialité. 

Le texte adapté en monologue par Benoît Lavigne et Bérangère Gallot, nous mène sur le champs de la bataille des Flandres d´où Ferdinand blessé tente de s´enfuir, puis à Peurdu-sur-La-Lys pour sa convalescence jusqu´à son départ pour Londres.

Benjamin Voisin, seul en scène, porte la langue si particulière de Céline, percutante, outrancière, imagée où l´argot fleuri. Il est plus qu´impressionnant. Son charisme naturel, son sourire carnassier, son aisance physique, l´extrême précision de son interprétation donnent vie à tous les personnages, du conteur Ferdinand à Angèle la prostituée, du souteneur Cascade à  l'infirmière Lespinasse. Tous ces personnages hors normes évoluent sous nos yeux sans qu´à aucun moment on ne puisse douter qu´ils aient bien exister un jour et dans cette guerre. Le ton est à la fois violent, ironique et drôle alors que Ferdinand éprouve la souffrance, la peur, la lâcheté, la fierté, le désir, le dégoût...

L´excellente mise en scène de Benoit Lavigne est servie par une chorégraphie d´une grande précision et une très belle mise en lumières de Seymour Laval qui nous transporte instantanément dans chaque lieu, dans chaque atmosphère.

D´un bout à l´autre de la pièce les mots de Céline, la mise en scène et la sidérante interprétation de Benjamin Voisin nous emportent dans ce voyage jusqu´au bout...

A ne pas manquer jusqu´au 21 octobre 2023.

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15 septembre 2023 5 15 /09 /septembre /2023 22:36

Concu par Benjamin Lazar, Florent Hubert et Judith Chemla, ce spectacle enchanteur, mêle l’opéra de Verdi et le roman de Dumas, le chant et le théâtre, l´italien et le français, lyrisme et modernité. Le livret de Verdi, qui n´est pas repris dans sa totalité, est adapté par Florent Hubert et Paul Escobar, pour un orchestre de  chambre (accordéon, contrebasse, violon, violoncelle, clarinette, piano, cor et flute). Cette ré orchestration allége et modernise l'oeuvre, plaçant la beauté des mélodies au premier plan.

Le texte de Dumas dans ces passages les plus forts est dit ou projeté sur les murs brûlés du théâtre. La mise en scène fiévreuse expose la décadence de la bourgeoisie parisienne du 19e et de ses filles de joie, l´insouciance où l´argent, le jeu et la luxure sont rois. Le spectacle s´ouvre ainsi par une surprenante et très belle scène de fête, plongée sous un voilage, sous lequel Violetta/Marguerite/Marie semble déjà étouffer au sens propre comme au figuré. Pourtant, la folie joyeuse des protagonistes qui jouent de la musique, chantent, parlent de désir et d´argent est très drôle. Cet humour, franc ou désespéré, ne quittera jamais vraiment la scène accompagnant le lyrisme romantique et la tragédie. Cette cohabitation d'émotions contradictoires bouleverse le spectateur. Les comédiens, tous chanteurs et musiciens ; l'orchestre de chambre c'est eux ; jouent et chantent merveilleusement bien, passant d'une phrase parlée à une phrase chantée avec un naturel confondant. A la tête de cette merveilleuse troupe, Judith Chemla est parfaite, à la fois frêle et forte de son pouvoir de séduction. La puissance de sa présence singulière et de sa  voix de soprano impressionnent. A ses côtés Damien Bigourdan émeut, campant un amoureux transi, à l'italienne, gestuelle ample et conquérante comprise. Le reste de la troupe (Florent Baffi, Jérôme Billy, Renaud Charles, Élise Chauvin, Axelle Ciofolo de Peretti, Myrtille Hetzel, Bruno Le Bris, Gabriel Levasseur, Sébastien Llado, Benjamin Locher et Marie Salvat) est au diapason.

Un très beau spectacle à ne pas manquer jusqu'au 3 octobre 2023.

Ce spectacle créé en 2016 est aussi disponible en DVD.

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31 juillet 2023 1 31 /07 /juillet /2023 17:11

Tiago Rodriguez, directeur du festival d'Avignon, invite, pour 4 ans, Gwenael Morin à mettre en scène un classique écrit dans la langue étrangère mise à l'honneur (l'anglais cette année). 

Pour cette première, Gwenael Morin adapte Le songe d'une nuit d'été de William Shakespeare, pièce sur le désir, l'illusion, l'imagination et où il est aussi question de théâtre.

Dans le jardin quasi nu de la Maison Jean Vilar, le metteur en scène nous présente comme à son habitude une scénographie sans décors et sans réels costumes. Comme souvent, l'adaptation de Gwenael Morin et le dénuement total dans lequel il place ses comédiens et leurs personnages servent parfaitement le propos. Virginie Colemyn, Barbara Jung, Julian Eggerickx et Grégoire Monsaingeon, comédiens fétiches et fidèles, sont magnifiques. Accompagnés par deux comédiens amateurs Avignonnais, ils interprètent les près de 20 personnages. La qualité de leur interprétation, l'énergie qu'ils déploient et leur capacité à faire entendre le texte comme rarement impressionnent.

La pièce a été diffusée sur France 4 et est visible en Replay sur France.tv jusqu'au 30 janvier 2024. Si la réalisation n'est pas optimale, elle offre la possibilité à tous de découvrir le génie de Gwenael Morin et de ses quatre magnifiques comédiens.

*Photo : @Christophe Raynaud de Lage

Lire les posts sur les pièces de Gwenael Morin : LesjustesTartuffeIntrospectionWoyzeckAntigoneBerenice

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